L’angoisse de l’oeuf clair

Si je partage avec vous ces lignes très personnelles que j’ai écrit il y a quelques mois, c’est pour que ces quinze jours ne pèsent pas sur cette nouvelle grossesse.

« L’enfant commence en nous bien avant son commencement. Il y a des grossesses qui durent des années d’espoir, des éternités de désespoir. » (Marina Tsvétaeva)

Mercredi 13h30

Je n’ai pas réussi à dormir cette nuit. Pourtant il ne faisait pas particulièrement chaud et j’avais arrêté toute caféine et théine. A 5h30, je ne dormais toujours pas et j’ai cru entendre du bruit dans l’entrée. C’est là que je me suis levée et que les saignements ont commencé.

Je suis maintenant face à ces deux portes. Une seule rangée de sièges partagés entre les femmes enceintes impatientes de voir leur bébé lors de l’échographie et les femmes anxieuses venues aux urgences gynécologiques.

Il m’avait semblé trop pâle ce deuxième trait rose. Après 23 mois d’attente, j’avais du mal à y croire. Dans un acte manqué j’avais jeté la première ordonnance d’hormone. J’avais trimballé dans mon sac pendant des mois la lettre pour le centre de PMA. Refusé le rendez-vous qui ne me convenait pas. Car au fond, ce que je voulais vraiment c’était une grossesse « normale ». Et quand, malgré les ovaires polykystiques, les cycles s’étaient raccourcis, j’avais espéré. Et puis, mon profil avait légèrement mais rapidement changé. C’était confirmé.

C’est enfin mon tour. Le médecin vérifie que les saignements ne sont pas dus à une grossesse extra-utérine. C’est déjà une bonne nouvelle. Mais il semble être trop tôt que voir un embryon. Il envoie faire une prise de sang pour vérifier le taux d’hormone. Mais je n’ai pas la patience d’attendre deux heures à l’hôpital pour les résultats. Je n’ai pas dormi, je n’ai pas mangé, je veux juste un peu me reposer. Je ferais le contrôle conseillé la semaine prochaine.

Mardi 18h30

Je suis confiante. Cette fois-ci je vais le voir ce petit embryon. J’observe les gens en attendant. Ce couple avec leurs cinq filles. Cette femme enceinte vêtue d’un ensemble Mickey qui fait les cent pas sûrement pour accélérer le travail. Cette jeune fille de 16 ans enceinte d’environ six mois dont la mère n’a pas voulu l’accompagner aux urgences et qui patiente avec son petit ami et sa belle-mère.

L’interne de garde ne voit toujours rien. Il ne sait pas si c’est une grossesse évolutive. Ou peut-être une erreur de terme. C’est sûrement ça. Je calcule et recalcule dans ma tête. Je repars avec une nouvelle prescription pour une prise de sang.

Mercredi 8h

Je me suis pressée jusqu’au laboratoire. J’ai chaud et il n’y a même la climatisation. Je déteste les prises de sang.

Vendredi 13h15

La secrétaire des admissions m’a souhaité bon courage et non bonne journée. Je revois le même interne. L’échographie dure trop longtemps. Il voit toujours ce sac vide. Ce n’est pas normal pour 9 semaines d’aménorrhées. Mais il ne prononce ni les termes fausse couche, œuf clair, ni même grossesse non-évolutive. C’est moi qui lui pose la question de la normalité du taux. Il me confirme, ce que je savais déjà, qu’il aurait dû doubler toutes les 48 heures. Ce qui n’est pas le cas.

Je pars de l’hôpital et me retrouve dans les embouteillages des départs en vacances. A tous ces vacanciers heureux, j’ai envie de leur dire mais vous ne voyez pas que je pleure dans ma voiture. Pourquoi vous ne me laissez pas passer.

Vendredi 19h

Tu as pris un peu de ventre, tu ne serais pas enceinte ? Qu’est-ce que je pouvais répondre à ma grand-mère. Oui, je suis enceinte, je suis enceinte de rien.

Lundi 18h

J’attends encore devant les urgences. J’ai reçu les résultats de la prise de sang qui devait confirmer une fausse couche. Je ne comprends pas, le taux continue d’augmenter, très faiblement, mais il augmente. En même temps, je ne peux pas ignorer les trois caractères que chaque interne avait notés sur le cahier des urgences. AC0, pour activité cardiaque nulle.

Je ne suis là que pour savoir comment il va être évacué ce sac embryonnaire sans rien dedans.

L’interne m’a posé une question et j’avais l’impression d’être un végétarien à qui on demandait s’il préférait manger du poulet ou du veau. Je lui demande quelle solution est la moins pire.

Mardi 8h30

Je passe six heures aux urgences en attendant que ces cachets fassent effet. On m’avait averti de douleurs proches des contractions, je n’ai même pas eu à prendre de paracétamol.

Jeudi 8h30

Je le savais. La poche est encore là. On va me faire une aspiration. Je n’ai plus de choix, mais je tente de maîtriser la situation. Je demande une anesthésie locale et non générale. Je vais entendre l’intérieur de mon utérus être aspiré, mais c’est une façon de réaliser que c’est fini.

Je remercie l’anesthésiste qui est le premier à me dire “vous avez fait une fausse couche”. Cela fait deux semaines que j’erre dans ces couloirs d’hôpital et c’est la première personne qui prononce ces mots.

8 commentaires sur “L’angoisse de l’oeuf clair

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  1. J’ai eu un oeuf clair avant d’avoir ma petite dernière, ce fut une véritable épreuve tant pour moi, pour mari que pour notre couple. C’est un passage très douloureux, souvent incompris par beaucoup. Difficile à surmonter. J’ai mis tous mes espoirs et ma volonté dans ma dernière grossesse, aujourd’hui mon bébé a 2 ans et quelques mois et je peux te dire que le cordon est encore là, je sais qu’il va falloir mais mon dieu ce que je l’ai attendu
    je te souhaite une grossesse comme il faut et surtout un beau bébé à prendre dans ses bras

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  2. J’ai fait une fausse couche avant d’avoir mes 3. Ca a été une épreuve dont je n’ai été vraiment guérie que le jour où j’ai tenu SweetPrincess dans mes bras. Après je l’ai accepté car sans ce parcours ce n’est pas ma fille qui serait là aujourd’hui. Si c’était à refaire je ne changerais donc rien même si je n’ai plus jamais été sereine aux premières échos. Je te souhaite une belle grossesse et un superbe bébé. Tu as bien fait d’en parler. Ca permet d’avancer et de dépasser les mauvais souvenirs et la tristesse.

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  3. Parfois les médecins tournent autour du pot par peur des mots. Pourtant on a besoin d’entendre certaines choses même si elles font très mal !
    Tu as eu raison de mettre tout cela à plat, les blessures ne s’oublient pas, mais peu à peu on s’apaise, et la vie nous réserve aussi de belles surprises !
    Prends bien soin de toi !

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  4. je n’ai pas vécu cette expérience mais je compatis tout de même car je sais que le désir d’enfant peut être très très fort et nous « prend aux tripes », c’est incontrôlable, alors devoir attendre est une torture… j’ai eu la chance pour ce 3éme bébé d’être enceinte de suite, je n’y croyais pas d’ailleurs, car pour les 2 premiers j’ai tout de même dû attendre quelques mois! je te souhaite une belle et paisible grossesse et un beau bébé tout rose ne pleine forme! prend soin de toi! je t’embrasse!

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  5. J’ai vécu une expérience similaire récemment: grossesse,puis fausse joie alors comprimé pour évacéu ce qui semblait être une fausse couche. Puis ben non l’oeuf est toujours après m’être inquiétée de ne pas avoir de cycle, puis hospitalisation 2 mois avant de rentrer à la maison avec cette grossesse espérée..Et pfuit il a décidé qu’il en voulait pas rester: résultat fausse couche supposée a 1 mois et demi et fausse couche réelle à 6 mois…Autant te dire que je te comprends plutôt BIEN…..Bisette !

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  6. Que dire… je viens de vivre 3 mois difficile. et l’oeuf clair a été évoqué. J’ai dû payer une écho dans un cabinet privé, pour confirmer ou non l’oeuf clair. Ce qui m’a angoissé, c’est le  » oeuf clair, vous allez faire une fausse couche »… du gynéco, sans ménagement… mais voilà, il était là et pousse depuis 14 sa…

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  7. Comme je comprends ton angoisse… Ça fait du bien de parler, d’écrire pour évacuer le stress. J’ai fait deux FC avant chacune de mes grossesses, et les deux se sont produites au bout de mois et demi de grossesse, de très durs moments. Chose étonnante, j’ai accouché de chacune de mes filles pile un an après chaque FC. On dit souvent que la nature fait bien les choses, les naissances de mes filles sont arrivées comme pour me faire oublier les tristes et dures épreuves vécues à ces mêmes dates. Je te souhaite le meilleur pour cette nouvelle grossesse. Prends soin de toi!

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